L’Union des Grands Crus remet à plat la semaine des primeurs
Plus pro et plus select, l’UGCB a révisé en profondeur sa semaine des primeurs 2015 (4-7 avril 2016). Deux journées en propriétés réservées aux dégustations des importateurs et négociants, deux matinées réunissant la presse au nouveau stade bordelais, une journée de clôture ouverte aux métiers autour du vin… Et plus de dégustation à l’aveugle !
Colonne vertébrale historique de la semaine des primeurs, les dégustations en propriété de l’Union des Grands Crus de Bordeaux (UGCB) font peau neuve. « Il faut que les points soient bien clairs : hier on cherchait à faire plaisir à tout le monde, mais les gens ne s’y retrouvaient pas » pose Olivier Bernard, le président de l’UGCB. En faisant revenir la semaine des primeurs à ses fondamentaux, il affirme recentrer l’évènement sur la dégustation optimale du millésime en cours d’élevage aux metteurs en marché et critiques. Quitte à froisser les us et coutumes.
« Redonner un professionnalisme sans faille aux dégustations »
Adieu les portes habituellement ouvertes du mardi au jeudi dans les crus réunissant par groupes d’appellations les primeurs de l’UGCB, l’affluence croissante à ces dégustations tournait à la dérive tranche Olivier Bernard, qui annonce que « les journées de mardi et mercredi seront exclusivement réservées à la distribution et au négoce. Depuis 25 ans, nous avons gentiment laissé rentrer dans les dégustations des gens qui n’avaient pas grand chose à y faire. Quand 800 personnes passent dans un château de Saint-Julien en une matinée, on ne peut pas dire que les conditions soient optimales ! » L’UGCB annonce cependant que les dégustations de primeurs en propriété seront ouvertes le jeudi aux autres acteurs de la filière (banquiers, consultants, personnels de propriété…).
Pour les metteurs en marché, une journée de dégustation est également créée le lundi, réunissant au nouveau stade bordelais (lyriquement baptisé Matmut Atlantique) l’ensemble des 120 propriétés de l’UGCB dans un Silent Tasting, qui se veut aussi efficace que silencieux. Ce nouveau concept de dégustation studieuse propose à ces opérateurs l’inscription sur quatre créneaux de deux heures (entre 9h30 et 17h30, sans possibilité de déjeuner), avec la possibilité de reconduire de deux heures leur session. « Ces gens doivent pouvoir déguster dans de très bonnes conditions » résume Olivier Bernard.
« Donner une unité de temps et de lieu »
La presse internationale voit aussi son programme chamboulé. Auparavant, l’UGCB lui proposait un programme allant du lundi au vendredi : commençant à Sauternes le premier jour, et itinérant ensuite pendant quatre mâtinées en Médoc, Pomerol, Saint-Emilion, Pessac-Léognan et Graves… La centaine de journalistes étant répartie en 5 groupes, ils dégustaient dans 5 châteaux différents 5 groupes d’AOC crus. Soit « 25 châteaux, dans lesquels les conditions de dégustations n’étaient évidemment pas homogènes » note Olivier Bernard.
Pour y remédier, l’introduction du lundi par les Sauternes est maintenue (avec une conférence sur le millésime du professeur Denis Dubourdieu), mais les quatre matinées de dégustations sont désormais concentrées en deux et sont surtout centralisées au nouveau stade de Bordeaux. Une destination moins glamour, mais permettant un cadre professionnel inégalé promet Olivier Bernard : « les conditions de dégustations que l’on va proposer n’ont jamais été vues. D’avance, je ne veux rien entendre ! »
De 9 à14h, la matinée de mardi sera dédiée aux vins de Graves, Pessac-Léognan, Pomerol et Saint-Emilion, puis celle de mercredi aux Médoc (dans les deux cas avec possibilité de revenir sur les Sauternes présentés lundi). Balayant toute critique sur une telle concentration des dégustations, le président de l’UGCB estime que « les pros savent déguster 25 vins à l’heure. Robert Parker nous a habitués à déguster l’intégralité des vins de l’Union en une demie-journée… »
« Il n’y aura pas de problème avec la dégustation à l’aveugle, quand tous y seront passés ! »
Si l’UGCB travaille actuellement à la présentation de ces nouvelles conditions de dégustations aux distributeurs, négociants et journalistes, les premières critiques pleuvent déjà. Sur son site, la critique anglaise, Jancis Robinson MW paraît très peu convaincue par ces modifications, que ce soit en terme de concentration ou de localisation*. « Mais là où j’en veux le plus à ces changements, c’est que l’UGCB ne permettra plus les dégustations à l’aveugle » estime-t-elle, ajoutant « qu’ils pensent sans doute que nous pénalisons leurs vins dégustés à l’aveugle, mais ce changement proposé nous prive de l’un des principaux aspects des primeurs ».
Visiblement amusé par ce procès d’intention, Olivier Bernard se défend du moindre lobbying anti-dégustation à l’aveugle. « Mais on sait que l’approche n‘est pas la même entre les dégustations à l’aveugle ou non. Il n’y aura pas de problème quand les autres seront aussi passés à l’aveugle. On était les seuls à accepter ça » tranche-t-il. En jouant la carte de l’équité de traitement (ou de nivellement par le bas selon ses critiques), l’UGCB compte bien achever de se poser en défenseur d’un moment de service au collectif.
* : Les critiques et journalistes pourront cependant participer aux dégustations en propriétés pour la distribution, ainsi qu’au Silent Tasting.
Sources : Alexandre Abellan / www.vitisphere.com
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