« L’omerta, c’est sur ce qui est fait par le vignoble pour l’environnement »

Convoquée pour son huitième forum environnemental, la filière des vins de Bordeaux a pu assister à un échange vigoureux entre Bernard Farges (le président de l’interprofession) et Valérie Murat (activiste environnementale).


L’implication environnementale des opérateurs girondins, « ce n’est pas de l’opportunisme, ni du green washing » pose Bernard Farges, le président du Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux, ce 20 janvier au palais des congrès de Bordeaux. Il appuie son propos sur huit années de forums environnementaux, la création en 2011 d’une association de Système de Management Environnemental, la formation depuis l’an dernier de quatre Groupements d’Intérêts Economiques et Environnementaux, une feuille de route Climat 2020 en cours de rédaction… Et « des solutions appliquées par certains et bientôt déployées par tous » souligne-t-il, s’appuyant sur le deuxième rapport de développement durable tout juste remis. Bref, « Bordeaux peut-être fière de sa participation à la réduction de l’empreinte environnementale du vignoble » estime-t-il.

« Le CIVB fait le jeu des firmes de l’industrie chimique, qui sacrifient sur l’autel de leurs profits des paysans et des sols »
Une appréciation que ne partage pas le moins du monde Valérie Murat, activiste environnementale qui a posé la première plainte pour homicide involontaire causé par une exposition viticole à l’arsénite de sodium (suite au décès en 2012 de son père, d’un cancer bronco-pulmonaire reconnu maladie professionnelle). « Tout ne va pas bien dans la viticulture bordelaise et la protection de l’environnement, et encore moins en matière de santé au travail. Non tout ne va pas bien comme vous vous évertuez à le faire croire entre vous » a-t-elle lancé à l’audience. Cette dernière étant visiblement partagée entre sympathie, indifférence et agacement (des applaudissements épars et un timide sifflet ont salué la fin de son intervention).

Dénonçant l’omerta de la filière girondine sur les risques sanitaires des produits phytopharmaceutiques, Valérie Murat prévient sèchement qu’« un nombre grandissant de consommateurs ne veut plus de vins aux pesticides ». Déplacée pour les uns, déchirante pour les autres, elle n’a pas laissé indifférent avec son constat couperet : « les vignerons et les ouvriers viticoles du bordelais tombent malades. Ils tombent malades et ils meurent. Ils meurent et leurs familles sont détruites. »

« Notre enjeu n’est pas de garder un chiffre d’affaires important pour l’agrochimie, mais bien de diminuer nos intrants »

« Je comprends vos mots et votre posture. Mais c’est une posture » s’est défendu Bernard Farges, rejetant tout déni des enjeux environnementaux par le vignoble. « S’il y a une omerta, ce n’est pas sur ce qui peut être fait ou sur ce qui n’est pas fait, mais sur ce qui est réellement fait » répond-il, se disant très à l’aise sur ces sujets. Et pour parachever sa démonstration, il s’est positionné tout au long du forum sur trois dossiers environnementaux.

Le président du CIVB a d’abord renouvelé aux pouvoirs publics la demande d’une Limite Maximale de Résidus (LMR) dans les vins : « il y a une apparente demande des consommateurs. Il faut faire évoluer la réglementation européenne, qui ne fixe pas de LMR sur les produits transformés (elle existe sur les raisins, sachant qu’il n’y a pas de facteur de concentration sur ces molécules durant la vinification). »

Suivant de près les recommandations concernant les Equipements de Protection Individuels (EPI), le viticulteur avertit également que « s’il doit y en avoir au-delà du délai de réentrée, il faudra retirer l’homologation à ces produits ». Face au durcissement actuel des textes de précaution d’utilisation de certains phytos, il réclame donc une mise en cohérence entre les nouvelles précautions des firmes et les homologations rendues par l’Etat.

Bernard Farges soutient également l’intégration de bonnes pratiques environnementales aux cahiers des charges des vins AOC. Une volonté gouvernementale annoncée ce début d’année, et qui a été rappelée à Bordeaux par Catherine Geslain-Lanéelle, la Directrice Générale de la Performance Economique et Environnementale des Entreprises.

La promesse des cépages résistants
Pour Bernard Farges, l’obtention de cépages résistants au mildiou et à l’oïdium est la chance à saisir pour la filière afin de réduire l’usage des phytos. Ce qui est le but du programme de sélection accélérée NewVin, qui envisage l’obtention de deux à trois variétés intéressantes pour 2030 (actuellement, 5 000 pépins sont en germination). « On ne sait pas si cela aboutira, mais je ne peux pas imaginer le contraire » conclut le viticulteur de l’Entre-Deux-Mers, donnant rendez-vous en janvier 2017, pour juger des évolutions à l’occasion du neuvième forum environnemental.

Sources : Bernard Farges / www.vitisphere.com

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